La géologie du ban de Sainte-Barbe
Les formations géologiques affleurant sur le ban de la commune datent essentiellement de l’ère Secondaire, du système Jurassique et de la période du Lias, ce qui nous reporte en gros entre 200 et 190 millions d’années avant le temps présent. Les différents terrains sont sédimentaires, c’est-à dire qu’ils sont formés de particules plus ou moins fines et de débris d’animaux marins. Par la suite, ces produits ont pu être consolidés par cristallisation de sels minéraux dissous dans les interstices. Les couches de roches sont empilées les unes sur les autres, les plus anciennes en dessous formant une sorte de mille-feuilles incliné légèrement vers l’ouest. Les terrains les plus anciens sont donc ceux qu’on trouve à l’est de la commune, au-delà de Cheuby. On rencontre au pied de la côte, dans le fond de vallons qui confluent pour former le ruisseau de Hayes une zone très humide, voire même marécageuse qui doit sa présence à des roches très argileuses et meubles de couleur rougeâtre ou verdâtre parcourues par quelques minces lits de roche blanche et résistante (dolomie) : les marnes irisées du Keuper. Ces roches résultent du dépôt de vases argileuses dans des lagunes bordant une mer très peu profonde qui s’étendait là il y a environ 205 millions d’années. La dolomie est une roche caractéristique de ce type de milieu lagunaire.
Immédiatement au-dessus, dès le pied de la côte, affleure un grès siliceux (Sandstein = pierre de sable) renfermant un peu de calcaire qui cimente des grains de quartz et parfois des galets de quelques centimètres de longueur. Ces galets de roches dures (quartz, quartzite, lydienne) se rencontrent au sol dans le bois de Cheuby. Quant au sable, on peut, pour le voir sur notre commune, bénéficier du travail des blaireaux qui, lorsqu’ils creusent leurs réseaux de terriers, en sortent du sous-sol des quantités impressionnantes.
Le grès s’est déposé dans une mer peu profonde proche d’un continent situé vers le nord à l’emplacement du massif schisteux rhénan et des Ardennes durant l’âge rhétien (environ 200 MA = millions d’années). Il n’est pas rare de trouver dans les couches de graviers de ce niveau des ossements et dents de poissons et de reptiles marins ; c’est le cas en particulier au sommet des carrières de sable situées entre Vigy et Saint-Hubert. A Sainte-Barbe, de tels niveaux ne sont pas accessibles puisqu’ils sont dans le sous-sol du bois de Cheuby.
Au sommet de l’étage Rhétien, donc au-dessus des grès, se trouve une couche d’argile brun-rouge nommée argiles de Levallois du nom d’un ingénieur des Mines nancéien du milieu du XIXe siècle. Ces argiles sont à l’origine une grande partie de l’année de suintements d’eau qu’on observe à mi-pente, par exemple sur le chemin de Cheuby à Libaville en lisière du bois de Cheuby.
Au-dessus et constituant le sous-sol de la plus grande partie du ban de Sainte-Barbe se trouvent les calcaires à gryphées de l’Hettangien et du Sinémurien. Ces roches sont disposées en couches qui furent bien visibles lors du creusement des fondations des maisons du nouveau quartier « derrière le couvent ». Des bancs de calcaire gris-bleuté de dix à vingt centimètres d’épaisseur alternent avec des couches de marnes gris foncé d’épaisseur équivalente. Ces roches sédimentaires se sont formées à partir de boues déposées dans une mer calme et peu profonde – moins de 200m – il y a environ 195 millions d’années. La boue plus riche en argile qu’en calcaire a donné les marnes meubles et imperméables alors que la boue plus riche en calcaire qu’en argile a donné le calcaire gris-bleu très dur qui a servi à bâtir les maisons anciennes et les murs de clôture des jardins du village. Le fait que le milieu était peu agité a permis aux restes des animaux de l’époque de se conserver de manière très satisfaisante et l’on trouve dans ces terrains une quantité de fossiles bien conservés : des sortes d’huîtres recourbées nommées gryphées, de grosses coquilles ressemblant à des palourdes géantes, les limes, de petites coquilles de rhynchonelles ressemblant un peu à des coques mais qui ne sont pas des mollusques et quelques fragments d’ammonites de grandes dimensions, les ariétites.
D’un groupe voisin des ammonites, proviennent les petits cylindres arietitepointus ressemblant à des balles de fusil et nommés parfois « doigts de Saint Jean » qu’on peut trouver à l’ouest du ban communal. Il s’agit de rostres (sortes d’os) de bélemnites, animaux ressemblant aux calmars actuels. Fréquentes également les petites étoiles de Sion, en fait les articles de tiges d’animaux voisins des oursins et appelés encrines ou lis de mer qui vivaient fixés au fond de la mer. Pour davantage de renseignements et des illustrations, on pourra se reporter aux articles du bulletin communal concernant notre patrimoine publiés en avril 2009 (N° 23), juillet 2011 (N° 28) et mai 2014 (N° 31).
La faille de Metz
Une particularité visible au nord de la commune est la grande dénivellation qui sépare la partie haute du plateau de celle qui s’étend de Vrémy et Avancy en direction de Vigy. Ce talus bien visible depuis l’entrée d’Avancy en regardant vers l’ouest correspond à la faille de Metz, grande fracture de l’écorce terrestre qui s’étend de Gondreville à Gorze et abaisse de plus de 50 mètres le compartiment nord. Cette faille majeure passe comme son nom l’indique à Metz, et entre autres lieux remarquables, sous le transept gauche de la cathédrale.
Après le Sinémurien et jusque pratiquement la fin de l’ère Secondaire il y a 65 millions d’années, la région resta presque sans interruption sous la mer qui déposa au-dessus des terrains visibles actuellement chez nous plus d’un kilomètre d’épaisseur de sédiments que l’on retrouve étalés horizontalement depuis Sainte-Barbe jusqu’au pied de la côte de Reims à l’extrémité ouest de la Champagne. Depuis le début de l’ère Tertiaire, l’érosion a eu le temps de faire disparaître cette épaisseur considérable de roches variées et a ramené à la surface du sol – on dit à l’affleurement – les roches visibles dans le sous-sol du village.
Limons des plateaux et limons éoliens
Pourtant, les calcaires à gryphées ne sont pas partout visibles dans les champs du plateau ; ils sont souvent recouverts par une pellicule de quelques dizaines de centimètres de terre blanche ou limon des plateaux. L’origine de ce produit est complexe et variable. Une part importante correspond aux résidus des terrains autrefois situés au-dessus et dont l’essentiel a été évacué par l’érosion. Il s’agit de minuscules grains de quartz et d’oxydes de fer. Une autre part non négligeable est du lœss ou limon éolien. Cette deuxième partie date de quelques dizaines de milliers d’année, époque de la glaciation dite du Würm. Les Vosges et tout de nord de l’Europe à partir de la Frise, du Danemark et de la Prusse étaient alors couverts de gigantesques glaciers qui poussaient devant eux des débris de roches formant des moraines. Le vent du nord prélevait dans ces moraines les poussières et les semait à des centaines de kilomètres de là, formant sur le nord de la France et ailleurs des dépôts considérables de lœss – quelques dizaines de mètres d’épaisseur en Alsace, en général moins de deux mètres en Lorraine.
Après la fonte des glaces il y a 12 000 ans, la forêt a recouvert toute la région jusqu’à ce que le défrichement et la mise en culture permettent à l’érosion de dégager et rendre visibles les terrains dont nous venons de parler.
Christian Pautrot. Février 2015